jeudi 1 décembre 2016

Isabelle Filliozat et son avis sur l'émission "Super nanny"

Afin de montrer qu'il n'y a pas que des parents "rageux" ou "une bande de fou" ou "des gens qui n'ont que ça à faire" qui demandent la suppression de l'émission "Super nanny", je partage ici le post d'Isabelle Filliozat à ce sujet :

Faisons respecter les droits des enfants à la télévision
Dans son introduction, l’émission annonce la couleur : « Attention, Super Nanny arrive ! » Oui, attention, parce que danger.
Je soutiens la pétition pour le respect des droits de l’enfant dans l’émission super Nanny. Pourquoi ? Parce que nous sommes responsables de faire respecter ces droits partout où ils sont bafoués. Et les enfants ne sont pas en âge de donner leur consentement éclairé pour être ainsi malmenés et exposés au regard du public, d’un public qui est invité à les juger comme insupportables. Qui pense à ce qu’il adviendra de ces images et de comment elles pourront impacter leurs recherches d’emploi dans le futur ?
De plus, des parents regardent l’émission et peuvent penser qu’il s’agit de méthodes éducatives à suivre. Or, l’émission a surtout pour but de faire de l’audience, du spectaculaire donc, et surfe sur la tendance française à l’autoritarisme. L’émission valorise les méthodes autoritaires, punitions, mises au coin, inflexibilité du parent dont on sait aujourd’hui combien elles sont contraires à une saine éducation et au développement harmonieux du cerveau. Super Nanny intervient dans des familles choisies parce que les conflits y sont particulièrement intenses. Le spectateur est pris à témoin, invité à voir combien ce qui se passe est scandaleux. Mais ce n’est pas la souffrance des enfants qui est scandaleuse aux yeux de Super Nanny. C’est leur comportement. Souvent elle le souligne « l’enfant a vraiment abusé ». Et elle se promet de remédier à ce laxisme. Les parents sont vus comme inadéquats. Certes, Super Nanny leur manifeste de la compassion, ils pleurent, elle promet de les aider…. Puis elle leur passe ce message : pour être pris au sérieux, on doit se montrer autoritaire et inflexible. Point positif, les parents sont invités à ne plus taper ou crier. Mais elle énonce des règles du type : « Je cesse de céder à tous les caprices ». La notion de caprice est acceptée comme s’il s’agissait d’une vérité, même pour de tout petits enfants.
De leur côté, les enfants reçoivent la règle : « Je dois obéir à mes parents.» L’idée que les enfants doivent obéir est très répandue. La plupart des parents ne mesurent pas que plus on demande obéissance, moins les enfants développent le sentiment de responsabilité. Les neurosciences l’expliquent, un ordre inhibe le cerveau préfrontal, c’est utile en cas de danger immédiat, on fait ce qui est demandé sans réfléchir. Mais c’est contre-productif sur le long terme. Le rôle des parents est au contraire d’aider l’enfant à développer la conscience de ses actes.
« Tu te calmes tout de suite ! » dit la Nanny, menaçante, avec le doigt levé, à un enfant qui pleure. Elle commente ensuite «il a compris que je ne plaisantais pas, ça lui a fait comme une sorte d’électrochoc ». Et elle semble trouver normal, voire sain, que l’enfant subisse cet « électrochoc ». Elle semble penser que ça va le faire réfléchir. En réalité, elle n’a obtenue qu’immobilisation. Et la mobilisation du circuit de stress. La Nanny ne montre pas d’empathie face aux réactions émotionnelles des enfants. Or les neurosciences montrent que cette empathie est nécessaire pour permettre au cerveau de construire les liens entre la zone des émotions et la zone inhibitrice préfrontale.
L’émission fait la promotion du coin. Or l’exclusion déclenche de la douleur dans le cerveau de l’enfant. L’enfant est soumis, mais loin de réfléchir à ses actes. La théorie de l’attachement explique que lorsqu’un enfant est éloigné par sa figure d’attachement, il va développer des comportements cherchant à rétablir le lien : sourire, rire… mais ces réactions naturelles sont surinterprétées à leur tour comme étant de l’insolence.
« Tu vois un peu le cinéma que tu fais ? » ose la Nanny. On peut trouver mieux question éducation émotionnelle et relationnelle ! La Nanny semble ignorer la théorie de l’attachement et les besoins de l’enfant. Il n’est pas normal qu’une telle émission, véhiculant des principes d’un autre âge, soit autorisée.
Le problème est que sur le court terme, la Nanny obtient des résultats, les enfants se soumettent. Les téléspectateurs voient les enfants faire docilement ce qui leur est demandé et peuvent en déduire que ce sont des méthodes efficaces. Les téléspectateurs ne mesurent pas que les enfants sont juste soumis parce que leur circuit de stress mobilise la réaction de figement, leur tonus musculaire baisse, ils disent OUI, répètent les « règles » mais ils ne réfléchissent pas vraiment. Oui, l’intervention de la Nanny et surtout de la télévision change la donne et modifie l’équilibre familial pour un mieux, mais ce n’est pas dû à l’autoritarisme dont fait preuve la Nanny.
Ne diabolisons pas à notre tour ni l’émission, ni la Nanny. Elle invite aussi les parents à jouer avec leur enfant, à passer du temps agréable avec eux, à leur donner de l’affection… mais seulement s’ils respectent les règles. Pour l’émission, l’amour est une récompense. Or nous savons de nos jours que c’est du carburant. Et que nombre de comportements débordants sont des réactions à un défaut de ce carburant.
Faire peur et faire honte ne sont pas des stratégies acceptables pour éduquer les enfants. On le sait aujourd’hui, cela ne fait pas seulement des bleus à l’âme, ça altère le cerveau et les capacités de régulation émotionnelle.
Il n’est pas normal d’encourager publiquement la violence envers les enfants.
Isabelle Filliozat

Isabelle Filliozat est l'auteure de nombreux livres sur l'éducation positive et j'invite très fortement les fans de "Super nanny" à les lire :
Il y en a plein d'autres encore

Si vous avez des questions sur la parentalité positive ou bienveillante, n'hésitez pas à consulter mon blog ou à venir vers moi. C'est avec plaisir que je vous répondrai.

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