mardi 15 décembre 2015

Les caprices n'existent pas






Voici une interview d'Isabelle Filliozat trouvée sur Internet :
Et si les caprices n’existaient pas ? Et si la colère avait une fonction essentielle pour l’enfant ? La psychologue Isabelle Filliozat renverse certaines de nos croyances pour mieux nous faire comprendre la colère de l’enfant et l’éviter quand elle est inutile.

La colère est-elle un sentiment nécessaire, selon vous ?
Isabelle Fill
iozat : « Oui, tous les enfants ont besoin d’exprimer de la colère. C’est une manière de dire ‘Je suis moi et pas le prolongement de mes parents’. Mais ils ne sont pas obligés de faire des crises de rage monstrueuses pour montrer leur colère. La frustration de ne pas réussir une tour de blocs, par exemple, va déclencher une colère chez le tout-petit. Cette colère est une forme d’énergie. Si elle est canalisée, cette énergie va lui permettre de réussir la tour la fois suivante. »

Laisser s’exprimer la colère de son enfant, cela ne risquerait-il pas de favoriser un comportement caractériel ?
I. F. : « Oui, si on favorise n’importe quelle colère. Nous devons détecter le type de colère de notre enfant. Notre enfant a-t-il besoin de décharger son stress ou a-t-il un souci dans son cœur ? Le parent peut dire à son enfant : ‘Je vois que tu as eu une dure journée. Tu veux m’en parler ?’. S’il est trop petit pour l’exprimer, lui dire : ‘Et si on jouait ?’. Car l’enfant raconte en jouant. Et on verra s’il est fâché ou pas. Si on ne l’encourage que dans le ‘fâché’, l’enfant s’enfermera dans la colère alors que son vrai problème est ailleurs. Sa colère masquait peut-être de la honte ou de la peur. »
Des cris qui ne raisonnent pas…
Cela semble simple, mais en tant que parent, on n’est pas tous les jours un océan de zenitude…
I. F. : « Bien sûr, ce n’est pas toujours facile de rester calme, ni d’élever un enfant. En tout cas, je n’hyper-réagis pas. On n’a pas besoin d’être parfait. On peut louper. Les enfants ne nous en tiennent jamais rigueur, surtout si on répare juste après. C’est important de rectifier. Le problème, c’est que, en tant que parents, nous avons tendance à faire plusieurs fois la même chose. Certains parents crient vingt fois la même chose à leur enfant. Alors que si ça ne marche pas au bout de trois fois, c’est qu’il faut faire autrement. »

Une lectrice témoigne : « Clémence, ma fille de 3 ans et demi a passé un week-end chez ses grands-parents. Quand je suis venue la chercher, elle a fait une crise terrible pour ne pas aller dans son siège auto. Mes parents m’ont dit qu’avec eux, Clémence était très sage et ne faisait aucun caprice. Ils me disent aussi que je dois être plus ferme avec elle. »
I. F. : « C’est effroyable que les grands-parents aient pu dire ça à leur propre fille. Un enfant est un petit mammifère, il tisse depuis sa naissance une relation avec la personne qui s’occupe de lui, souvent sa maman. Elle est sa base de sécurité. Quand un enfant est séparé de sa maman, il se tient à carreau, exactement comme un petit chiot en situation de danger. Quand sa maman revient, il existe de nouveau et fait du bruit. Dans cet exemple, la fillette n’était pas sage avec ses grands-parents, elle était stressée et se tenait à carreau. Plus l’enfant a été stressé dans la journée, plus il va se lâcher quand sa maman arrivera. C’est souvent très désespérant pour les mamans de réaliser que, avec elles, l’enfant est plus capricieux, ne supporte pas la moindre frustration et se met à crier. Mais s’il a ces comportements avec sa maman, c’est parce qu’il a confiance en elle, parce qu’il sait que sa maman l’aime inconditionnellement.
Le siège auto, c’est le petit détail auquel l’enfant s’accroche pour libérer la tension qu’il a accumulée à l’intérieur de lui. Il n’est pas encore capable de dire : ‘Maman, tu es enfin là, j’ai besoin de te raconter tout ce que j’ai vécu avec papy et mamy pendant deux jours’. Il sent juste une énorme décharge de stress en lui. La maman doit alors virer ses parents et jouer avec sa gamine. Plutôt que de vivre des colères et crises, la maman peut se dire : elle a vécu deux jours avec ses grands-parents, elle a besoin de se décharger. Elle peut proposer à sa fille d’aller jouer dans la chambre et d’y faire une grosse bagarre sur le lit. Un jeu avec une interaction très forte permet d’éviter certaines crises.
C’est pareil après la crèche ou l’école. Pensez à un sas avant de rentrer à la maison : passer au square, courir, crier, se dé-fou-ler. L’enfant a d’abord besoin de se défouler et s’il n’y a pas de défouloir, alors il va y avoir des crises. Quand l’enfant se met à pleurer toutes les larmes de son corps pour un détail, au lieu de se mettre à culpabiliser, dites plutôt à votre enfant : ‘Houlà, tu as eu une dure journée. Viens, on va courir’. Mais, être plus ferme n’est pas la solution. »
Interdire la fessée
Selon vous, les caprices n’existent pas ?
I. F. : « Tout à fait. On appelle caprice ce que le parent ne comprend pas. Mais, derrière ce qu’on appelle le caprice, il y a toujours une vraie raison. Pour moi, le caprice, c’est le lait qui bout et qui déborde de la casserole. Au lieu de mettre un couvercle ou de frotter les taches, j’ai besoin de trouver où est la source pour éteindre le gaz.
C’est nouveau, on change de culture. Avant, les enfants étaient dominés. On devait les cadrer, les limiter, etc. Maintenant, on n’a plus envie d’éduquer par la crainte, la peur et la honte. On veut créer un monde différent, un monde où les enfants ont confiance en eux. On voit que c’est nécessaire, la confiance en soi. Et on veut comprendre ce qui se passe dans la tête de nos petits. La science nous donne des éléments. Mais c’est le tout début. »

Et comment toucher les parents qui ne lisent pas de livres sur l’éducation ?
I. F. : « Ce serait bien qu’une loi interdise la fessée et les coups. Tant que ce n’est pas interdit, des parents le font par facilité. Ils ne savent pas à quel point c’est nocif pour leur(s) enfant(s). Ils reproduisent leur propre histoire… Il faut également revoir l’éducation : par des groupes de parole, des stages, des formations… »
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Comment aider nos enfants en colère ?
La tranche d’âge de 1 à 5 ans n’est pas de tout repos pour les parents : colères, caprices, oppositions… Nos enfants ont parfois des comportements étranges qui semblent tester les limites de notre patience. Comment réagir ? Comment ne pas s’énerver à son tour ? Nous avons trouvé quelques pistes toutes douces dans un livre d’Isabelle Filliozat, sorti aux éditions JC Lattès : J'ai tout essayé.
Le titre effraye un peu. Il sent le désespoir, l’incompréhension et la fatigue de parents à bout face aux caprices et colères de leurs enfants.
Quand on ouvre le livre, des chouettes petits dessins d’Anouk Dubois illustrent des scènes de la vie quotidienne entre un enfant et un parent : repas difficile, crise au supermarché, mots douloureux (« T’es méchante, maman ! »), rangement chaotique d’une chambre… Des situations que tous les parents vivent un jour ou l’autre et qui mettent parfois les nerfs en boule.
Face à ces situations délicates, on ne se sent pas toujours équipé pour accompagner au mieux l’enfant. Ce livre propose des solutions concrètes à tester immédiatement avec nos bambins, pour une relation sans trop de heurts, ni cris.
Parents susceptibles ou pas prêts à se remettre en question, passez votre chemin ! Car ici, c’est une nouvelle manière d’éduquer son enfant qui est proposée. Fini, les ordres répétés, criés parfois, pour asseoir son autorité parentale. Place à l’écoute de son petit et au jeu ensemble. Patience et imagination sont les clés d’une relation harmonieuse entre parents et enfants.
En colère pour une bonne raison
L’auteure a une certitude : un enfant est toujours en colère pour une bonne raison. Plutôt que de le frustrer, de tenter d’avoir raison ou de faire taire ses cris, Isabelle Filliozat propose de dialoguer et de jouer.
Un exemple ? Vers 4 ans, l’enfant raconte souvent des bobards et change les règles des jeux. S’il invente de nouvelles règles pour gagner, Isabelle Filliozat propose aux parents de le suivre et même de le laisser gagner. Le but du parent, c’est surtout de passer du bon temps avec son enfant, peu importe qu’il perde ou gagne. L’enfant de 4 ans, par contre, ne peut pas encore relativiser un échec, il le vivrait comme une vraie détresse.
Pour chaque situation difficile, on découvre de façon amusante ce qui se passe dans la tête de notre enfant d’après les dernières recherches en neurosciences. Ce sont donc des conseils bien éclairés et souvent bienvenus pour les parents.
Estelle Watterman
Testé… et approuvé !
Évidemment, ce livre ne permet pas d’éviter tous les pleurs et toutes les colères de nos enfants. Mais on a testé certains conseils et ils se sont révélés plutôt efficaces.
  • Dire « Stop » et pas un « Non » sévère lorsqu’un enfant fait une bêtise. J’ai testé le « Stop ! Je vois un petit garçon qui s’apprête à colorier son short ». En disant stop et pas non, je me suis sentie moins méchante et mieux comprise par mon enfant.
  • Pour éviter de donner trop d’ordres, proposer des choix dont les solutions nous conviennent. Au lieu de dire : « Mets ton pyjama, on va dormir ». J’ai dit à mon fils : « Il est l’heure d’aller dormir. Tu mets ton pyjama seul ou je t’aide à le mettre ? ». Il l’a mis fièrement tout seul, à son rythme.
  • Face à une bêtise, responsabiliser l’enfant plutôt que le rabaisser. Le contexte : un verre de jus renversé sur le sol. J’ai respiré un grand coup pour ne pas trop m’énerver, puis j’ai dit à mon fiston : « Mais il y a du jus partout, que s’est-il passé ? ». « J’a pas fait exprès, maman, mon verre a glissé », me répond mon petit homme. « Le sol va coller, comment faire pour enlever ça ? », « Faut frotter avec un torchon ». On est allés le chercher à deux et il a pu « réparer » sa bêtise.
  • En rentrant de l’école, on passe tous les jours devant une boucherie. « Du saucisson, du saucisson », réclame mon petit gars de 3 ans. D’habitude, j’accélère en marmonnant une excuse entre mes dents. Là, je me suis arrêtée pile devant la vitrine et on a pris le temps de la contempler : « Tu as raison, c’est du saucisson, là. Et que vois-tu d’autre ? ». Mon fils m’a regardé, surpris de mon attitude. J’ai continué : « Moi, je vois du persil. Tu le vois aussi ? ». On est resté cinq bonnes minutes devant la boucherie, on a détaillé ce qu’on voyait, ce qu’on aimait ou pas… et on n’a rien acheté. J’étais plutôt contente de moi. Pas de caprice, pas de négociations. Le lendemain, il n’a plus regardé la boucherie.
EN SAVOIR +
  • J'ai tout essayé, d’Isabelle Filliozat, est sorti aux éditions JC Lattès. Ce livre propose des outils pratiques pour tout parent ou personne qui s’occupe d’enfants durant la période pas toujours simple de 1 à 5 ans.
  • Il me cherche !: Comprendre ce qui se passe dans son cerveau entre 6 et 11 ans, toujours de la même auteure et toujours aux éditions JC Lattès, aborde les colères des plus grands de 6 à 11 ans. Petit bonus : un chapitre donne quelques trucs et astuces aux parents pour rester calme quand on sent aussi de la colère ou de l’énervement monter en nous.

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