Hier, 1er mars 2017, Laurence Rossignol a dévoilé
le plan interministériel de mobilisation et de lutte contre les violences
faites aux enfants, le premier en France.
Le slogan de ce plan est « Enfants en danger, au
moindre doute, agissez ! ».
Ce plan s’étale sur 3 ans, se compose de 4 axes et de 23
mesures que je vais résumer dans cet article.
Si vous voulez consulter le plan dans son intégralité, vous
pouvez le retrouver ici.
« Les violences faites aux enfants sont encore trop
souvent reléguées au rang de « faits divers » ou dissimulées au sein des foyers.
Malgré les mises en lumière médiatiques fréquentes, la conscience de la réalité
des violences et la capacité à les prendre en compte, ne semblent pas
progresser dans l’opinion publique.
Mobiliser la société dans son ensemble, les familles et
les professionnel.le.s pour mieux lutter contre les violences faites aux
enfants est une étape indispensable dans le combat que la France mène contre
les violences. En signant la Convention des droits de l’enfant, la France
s’est engagée à « assurer à l’enfant la protection et les soins nécessaires à
son bien-être ». Ce plan vient ainsi compléter les dispositions législatives et
réglementaires existantes en matière de lutte contre les violences faites aux
enfants. C’est en changeant le regard que la société porte sur ces violences
qu’elles reculeront. Ce plan propose des actions visant à sensibiliser,
responsabiliser et mobiliser chaque citoyen en matière de prévention et de
repérage des violences. » peut-on lire en introduction de ce plan.
AXE 1 – Améliorer la
connaissance et comprendre les mécanismes des violences
Rendre visible les violences pour mieux les combattre.
« Pour lutter efficacement contre les violences faites
aux enfants et mobiliser l’ensemble de la société, il faut, au préalable, les
rendre visibles. Il convient de connaître leur ampleur et d’en comprendre les
mécanismes. L’amélioration des connaissances sur les violences faites aux
enfants est nécessaire au pilotage d’une politique interministérielle et
transversale. »
Pour cela, différentes mesures sont proposées :
Mesure 1 –
Organiser annuellement le recensement statistique et la publication du
nombre d’enfants morts à la suite de violences
intrafamiliales
Mesure 2 – Favoriser
la systématisation des examens
post-mortem en cas de mort inattendue des nourrissons
Mesure 3 – Renforcer
les connaissances sur l’inceste
Mesure 4 – Identifier
par une inspection conjointe les fonctionnements respectifs des différentes institutions concernées, lors de morts violentes d’enfants au sein de la famille
Mesure 5 – Confier
aux Observatoires départementaux
de la protection de l’enfance
(ODPE) un travail d’analyse
systématique des conditions
ayant conduit à la mort d’un enfant
Il faut savoir qu’aujourd’hui en France, il y a vraiment des difficultés pour recenser la maltraitance et les violences dont sont victimes
les enfants ainsi que les le nombre de décès qu'elles engendrent. De nombreux cas de décès par suite de violences sont en fait cachés
derrière des « accidents » ou la mort subite ou inattendu du
nourrisson !
AXE 2 : Sensibiliser
et prévenir
La mobilisation de tous dans la lutte contre les
violences
« Une société sans violences est une société qui ne
tolère aucune forme de violences, qu’elles soient physique ou psychique,
qu’elles soient « éducative » ou « punitive ». Il est de la responsabilité de
chaque citoyen de prévenir et de lutter contre toutes les violences faites aux
enfants. »
Ce point m’intéresse tout particulièrement, vous vous doutez
bien…
Voici les différentes mesures proposées :
Mesure 6 – Promouvoir
une éducation sans violence et
soutenir les familles dans l’exercice
de leur parentalité. Il s’agit là de développer les outils de soutien à
la parentalité et de promouvoir une éducation sans violences. Un livret des
parents est déjà distribué depuis avril dernier par la CAF aux futurs parents, j'en ai déjà parlé ici.
. Il s’agit là de compléter ce livret sur la prévention du syndrome du bébé
secoué, les conséquences sur les enfants des violences conjugales (on en parle
beaucoup dans le MOOC sur la maltraitance infantile) et les dangers des écrans. Il est également prévu de distribuer un 2ème
livret pour les parents d’adolescents pour les aider à traverser cette période
que beaucoup de parents jugent difficile
Mesure 7 – Prévenir l’exposition des mineur.e.s à la pornographie
Mesure 8 – Sensibiliser
l’opinion publique par des
campagnes d'information sur les violences faites aux enfants. Ces campagnes
vont avoir pour objectif de rendre visibles TOUTES les violences faites aux
enfants et de faire connaître le numéro d’appel en cas de doutes : le
numéro vert 119 – Allô enfance en danger. Alors là, je dois avouer que je suis
un peu inquiète car pour avoir déjà appelé ce numéro, je sais qu’ils sont déjà
overbookés ! Il a fallu que je rappelle plusieurs fois pour pouvoir
m’entretenir avec un professionnel ! C’est vraiment très, très dur de
prendre son téléphone et de composer ce numéro, franchement, je tremblais comme
une feuille et j’étais au bord des larmes et rien qu’à l’écrire, je ressens les
mêmes sensations actuellement qu’il y a 2 mois. Donc, quand malgré tout ça, on
appelle et que la personne à l’autre bout du fil nous dit « tous les
professionnels sont actuellement en ligne, est-ce que vous pouvez rappeler dans
30 voire 45 minutes ? »… c’est dur !!!! Quand 30 ou 45 minutes
plus tard on rappelle et que la personne nous dit encore de rappeler plus tard…
comment dire ? La plupart des personnes risque de ne pas rappeler et le
pauvre enfant qui est peut être en danger ne sera finalement pas signalé !
Donc il faut vraiment renforcer les moyens humains pour que les personnes qui
appellent puissent être prises en charge dès le 1er appel et non au
bout du 10ème !
Mesure 9 – Diffuser
des outils sur les violences sexuelles à
destination des parents et des enfants
Mesure 10 – Sensibiliser
les parents et les professionnel.le.s au syndrome du bébé
secoué. De nombreux parents aujourd’hui encore ignorent les
dangers de secouer un bébé (risques de devenir aveugle, handicapé voire
même de mourir) ! Si vous êtes excédés par les cris de votre bébé, passez le
relais à votre conjoint s’il est présent et s’il est plus calme. Si vous êtes
seul ou si votre conjoint est aussi énervé que vous, n’hésitez pas à mettre
votre bébé dans son lit (je dis bien « mettre » votre bébé dans son
lit, pas le jeter brutalement !!!), fermez les portes, mettez vous des bouchons
d’oreilles, allez dans votre jardin ou sur votre balcon le temps de respirer,
de crier un bon coup, de passer un coup de fil à un ami ou un voisin qui pourra
prendre le relais… Bref, calmez-vous et ensuite, vous pourrez de nouveau
prendre en charge votre bébé et l’apaiser. Si votre bébé pleure beaucoup,
n’hésitez pas à en parler à votre médecin ou son pédiatre car il s’agit peut
être de coliques. Sinon, si votre bébé pleure beaucoup le soir à cause des
fameux « pleurs du soir », vous pouvez porter votre bébé dans une écharpe
ou un porte-bébé physiologique le plus possible dans la journée et les pleurs
seront atténués. Vous pouvez aussi retrouver d’autres causes dans cet article.
AXE 3
– Former pour mieux repérer
Le repérage des
violences, un premier pas vers la protection.
« Le préalable
à toute protection est le repérage des violences subies par un enfant. Chaque
victime de violences présente des signaux qui doivent alerter les
professionnel.le.s. Ces signaux varient selon l’âge des victimes, le type de
violences, leur caractère répétitif… Les professionnel.le.s qui travaillent au
contact quotidien des enfants doivent savoir repérer ces signes de souffrances
et les signaler. »
Là encore, en tant
qu’assistante maternelle, ce point me concerne et m’intéresse beaucoup.
Voici les mesures qui
seront mises en place :
Mesure 11 – Mise
en place, dans tous les hôpitaux,
de médecins référents
sur les violences faites aux enfants
Mesure 12 – Mobiliser
les professionnel.le.s, en contact avec les enfants, en les formant à la détection
et aux conduites à tenir face
aux violences faites aux enfants. A la rentrée 2017, l’actuel « CAP
petite enfance » sera réformé. Il s’appellera dorénavant « CAP
accompagnant éducatif petite enfance » et intègrera notamment une
compétence relative au repérage « des signes physiques ou
psychosomatiques, les changements de comportement susceptibles d’évoquer un
mal-être, une maltraitance ». Les assistants maternels qui devaient jusqu’alors
se présenter à l’EP1 du CAP petite enfance pour valider leur formation devront
dorénavant se présenter aux UP 1 et 3 du cap accompagnant éducatif petite enfance
et seront donc concernés par la compétence qui permet de repérer et détecter
les signes d’un enfant victime de violences ou de maltraitances.
Les auxiliaires de puéricultures et les éducateurs de jeunes
enfants seront eux aussi davantage formés à ce sujet à la rentrée 2017 pour les
premiers et à la rentrée 2018 pour les deuxièmes.
Mesure 13 – Former
les professionnel.le.s à l'impact
des violences au sein du couple sur les enfants
Mesure 14 – Renforcer
les liens entre le 119 et 3919
AXE 4 – Accompagner les
enfants victimes de violences
Libérer la parole et reconnaître les victimes pour mieux
les protéger
« Les violences envers les enfants altèrent
durablement leur santé physique et mentale. Plus elles seront repérées et
prises en charge précocement, plus leurs conséquences seront atténuées. Dire et
dénoncer les violences subies, être reconnu.e en tant que victime sont aussi la
condition du bien-être dans la vie adulte. »
Voici les différentes
mesures qui seront mises en place sur les 3 prochaines années :
Mesure 15 – Renforcer
la prise en compte des victimes d’inceste
et de violences sexuelles durant l’enfance
dans le réseau de téléphonie
sanitaire et sociale
Mesure 16 – Favoriser
le développement des unités d’Assistance
à l’audition de l’enfant victime de violences (type Unité d’Accueil
Médico Judicaire Pédiatrique – UAMJP)
Mesure 17 – Développer les formations au recueil de la
parole de l’enfant
Mesure 18 – Informer
sur la prise en charge à 100 %
des frais médicaux des victimes
de violences sexuelles dans l’enfance
Mesure 19 – Repenser
une prise en charge des soins spécifiques
aux psycho-traumatismes liés
aux violences intrafamiliales subies pendant l'enfance
Mesure 20 – Développer une prise en charge hospitalière immédiate
des enfants lors de meurtres intrafamiliaux au domicile familial
Mesure 21 – Rendre
publiques les conclusions de la mission de consensus relative aux délais de prescription des crimes sexuels
commis durant l’enfance
Mesure 22 – Piloter
le suivi du plan
Mesure 23 – Évaluer
la mise en oeuvre du présent plan
Je rappelle que ce plan s’étale sur 3 ans, vous vous doutez
bien que tout cela ne va être mis en place du jour en lendemain.
N’hésitez pas à consulter le plan dans son intégralité ici
pour avoir plus d’informations sur certains points.
Voici un lien où vous pouvez retrouver les affiches de la
campagne de sensibilisation que vous verrez bientôt partout : http://www.familles-enfance-droitsdesfemmes.gouv.fr/enfants-en-danger-dans-le-doute-agissez/
Il y a aussi des vidéos de témoignages.
Vous pouvez retrouver ici le dossier de presse concernant ce
plan (il reprend les idées principales).
Voici un lien vers la "fiche repère : les solutions pour aider un enfant en danger."
Et bien sûr, partagez cet article et ces liens, notamment
les affiches, autour de vous ! Merci pour les enfants.
Vous avez vu plus haut le panneau des enfants décédés (et
médiatisés) sous les coups de leurs parents depuis le début de l’année. Voici
un autre panneau, concernant les enfants morts en janvier avec d’autres
détails, notamment sur le fait que les voisins savaient mais non rien fait.
Comme je l’ai dit plus haut, j’ai déjà été amenée à appeler
le 119. C’est dur, c’est horrible. On a l’impression d’être un monstre, on a
peur aussi de se tromper et de dénoncer une famille qui en fait ne fait rien de
mal à ses enfants et de lui apporter des problèmes qu’elle ne mérite pas et que
ça se retourne contre nous.
Il faut savoir que quand vous appelez le 119, ce n’est pas
pour dénoncer mais pour faire part des observations, de ce que vous avez vu ou
entendu ou de ce que vous soupçonnez. C’est anonyme si vous le souhaitez. C’est
ensuite aux services sociaux d’enquêter ou non en fonction des éléments vous
avez fourni. S’il s’avère qu’on s’est trompé (quoi que il n’y a pas de fumée
sans feu), il n’y a aucun risque d’être poursuivi en justice, sauf si on a fait
exprès de dénoncer des faits mensongers pour nuire à la famille ou un de ses
membres.
Il faut se dire qu’il vaut mieux signaler pour rien que ne
pas signaler et apprendre dans les journaux le décès de l’enfant sous les coups
de ses parents !
Donc, en résumé, je suis vraiment satisfaite de ce plan. On
n’a pas de loi pour interdire les VEO mais on a un plan pour sensibiliser les
français, c’est toujours ça.
Pour les septiques, je répondrais que ce plan a été construit sur le même modèle que ceux mis en place pour les violences faites aux femmes depuis 2005
pour les violences faites aux femmes et là où il y a 10 ans, tout le
monde ou presque rigolait quand il entendait parler de femmes battues, force
est de constater que ce n’est plus le cas aujourd’hui. Donc, il n’y a pas de
raison qu’il en soit autrement pour les enfants.
52 pays dans le monde ont déjà voté une loi qui interdit
tout recours aux traitements cruels, dégradants et humiliants dont les châtiments
corporels. Bientôt, il y en aura 54 autres (le vote de la loi est en cours dans
ces pays).
Laurence Rossignol a fait savoir hier que quand elle sera de
nouveau sénatrice dans 3 mois, déposer une proposition de loi contre les violences envers les enfants sera la
première chose qu’elle fera ! Alors, la France sera-t-elle le 107ème pays du monde à abolir toute forme de violence envers les enfants ?
Réponse dans quelques mois...
En attendant,
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